vendredi 10 avril 2020

Loi "d'urgence sanitaire" - L'analyse de Richard Abauzit : BAS LES MASQUES ! (3)


BAS LES MASQUES ! (3)
MACRON n’a pas menti ! Le jour d’après ne sera pas le jour d’avant, ce sera pire.
· « Plus vite, plus fort » a-t-il asséné à Mulhouse pour crier son soutien aux gens de peu, à ceux qui n’étaient « rien » il y a peu, et célébrés comme « héros ». Oui, plus vite plus fort...dans la même direction : la rédaction des projets d’ordonnances est si limpide, pour une fois, urgence oblige sans doute, que l’objectif, l’unique, de ces ordonnances tient en un mot : « TRAVAILLEZ ! ».
 Le retour au XIXème siècle et à une économie de plantations, y est bien illustré par le sort réservé aux salariés agricoles. Ceux qui ont toujours été les derniers à bénéficier des conquis sociaux (les 40h de 1936 en 1974, le SMIG de 1950 en 1968...) et les premiers à étrenner les régressions (en 1981, par accord national étendu par le ministère de l’agriculture, un employeur pouvait imposer à un salarié agricole de travailler 12 h par jour pendant 12 jours consécutifs).
 Pour la production agricole et agro-alimentaire, l’article 6 du projet d’ordonnance permet aux employeurs d’imposer un travail de 12 heures par jour. Pour le repos quotidien, jusqu’ici au minimum de 11 heures, l’employeur pourra imposer un repos limité à 9 heures (par exemple, le salarié terminant son travail à 23h peut être tenu de reprendre à 8 heures). Et pour la semaine, l’employeur pourra l’obliger à travailler 48 heures par semaine, en moyenne, sur une période de...12 mois ! A perpétuité donc.
 La raison de la différence avec les autres salariés, qui vont se voir imposer également les 48h en moyenne, mais sur une période de 12 semaines, c’est d’une part que le rapport de forces dans l’agriculture est depuis longtemps proche de zéro et que les organisations patronales pensent qu’il n’y aura pas de difficultés à faire accepter ces conditions d’esclaves aux salariés appelés par centaines de milliers à venir remplacer les étrangers que le coronavirus va empêcher de venir en bénéficier.
                                 ---------------------------------------------------------
                                                 Revue de détail des contours du jour d’après le mois de mars 2020

Jusqu’au 31décembre 2020, pour l’instant,
 1/ Les employeurs pourront imposer une durée moyenne de travail de 48 h par semaine sur une période quelconque de douze semaines consécutives.  Pire pour l’agriculture et l’agro-alimentaire, les employeurs pourront imposer ces 48 h en moyenne sur toute l’année ! Le tout sous couvert de la « continuité de la vie sociale et économique » :


 Article 6 de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :

Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables : [...] 5° La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3121-22 du code du travail ou sur une période de douze mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et aux 2°, 3° et 6° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole, peut être portée jusqu’à quarante-huit heures ;

 Article L.722-1 du code rural
Le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous :
1° Exploitations de culture et d'élevage de quelque nature qu'elles soient, exploitations de dressage, d'entraînement, haras ainsi qu'établissements de toute nature dirigés par l'exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production, ou structures d'accueil touristique, précisées par décret, situées sur l'exploitation ou dans les locaux de celle-ci, notamment d'hébergement et de restauration ;
2° Entreprises de travaux agricoles définis à l’article L.722-2 ;
3° Travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers définis à l’article L.722-3 ;
4° Etablissements de conchyliculture et de pisciculture et établissements assimilés ainsi qu'activités de pêche maritime à pied professionnelle telle que définie par décret, sauf pour les personnes qui relèvent du régime social des marins ;

 Article L.722-20
Le régime de protection sociale des salariés des professions agricoles est applicable, dans les conditions fixées par les titres IV, V et VI du présent livre, aux personnes salariées et assimilées énumérées ci-dessous : [...]

2° Gardes-chasse, gardes-pêche, gardes forestiers, jardiniers, jardiniers gardes de propriété et, de manière générale, toutes les personnes qui, n'ayant pas la qualité d'entrepreneur, sont occupées par des groupements et sociétés de toute nature ou des particuliers à la mise en état et à l'entretien des jardins ;
3° Employés de maison au service d'un exploitant agricole lorsqu'ils exercent habituellement leur activité sur le lieu de l'exploitation agricole ; [...]
6° Salariés des organismes de mutualité agricole, des caisses de crédit agricole mutuel, des chambres d'agriculture, du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, des coopératives agricoles, des sociétés d'intérêt collectif agricole, des sociétés à caractère coopératif dites fruitières, des sociétés agricoles diverses, des syndicats agricoles, des associations syndicales de propriétaires dont l'objet est agricole et, d'une manière générale, de tout groupement professionnel agricole, de même que les personnels non titulaires de l'établissement " Domaine de Pompadour " dont les contrats ont été transférés à l'Etablissement public Les Haras nationaux ainsi que les agents de droit privé des agences régionales de santé qui demeurent régis par les conventions collectives des organismes de mutualité sociale agricole ;

 2/ Les employeurs pourront obliger ceux qui travaillent la nuit à travailler jusqu’à 44 heurs par semaine au lieu de 40 h actuellement. Le tout sous couvert de la « continuité de la vie sociale et économique ».

 Article 6 de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :
« Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables : [...] 6° La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3122-7 du code du travail peut être portée jusqu’à quarante-quatre heures. »

 3/ Les employeurs des entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » pourront obliger leurs salariés à travailler 12 heures par jour, y compris la nuit :

 Article 6 de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :

« Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables :
1° La durée quotidienne maximale de travail fixée à l’article L. 3121-18 du code du travail peut être portée jusqu’à douze heures ;
2° La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l’article L. 3122-6 du code du travail peut être portée jusqu’à douze heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article ; »

 4/ Les employeurs des entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » pourront obliger leurs salariés à ne se reposer que 9 h par jour (par exemple finir à 23 h et reprendre à 7h) au lieu de 11 h actuellement:

 Article 6 de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :

« Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret et, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables :
3° La durée du repos quotidien fixée à l’article L. 3131-1 du code du travail peut être réduite jusqu’à neuf heures consécutives, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier ;

 5/ Les employeurs des entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » ainsi que ceux des entreprises qui leur assurent des « prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale » (cela va faire beaucoup d’entreprises) pourront obliger leurs salariés à travailler le dimanche !

 Article 7 de l’ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos :

 « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-12 du code du travail, les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret, peuvent déroger à la règle du repos dominical fixée à l’article L. 3132-3 du même code en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Cette dérogation s’applique également aux entreprises qui assurent à celles mentionnées au premier alinéa des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale. »

 6/ Les employeurs des établissements et services sociaux et médico-sociaux pourront dépasser les capacités d’accueil de leurs établissements, pourront utiliser du personnel non formé, pourront imposer à leurs salariés de changer de fonction, de personnes prises en charge et de lieu de travail (traverser la rue il disait ?). Le tout, et sans rire, en respectant bien sûr les conditions de sécurité... :

 Article 1er de l’ordonnance relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux

 « Par dérogation aux dispositions du chapitre III du titre 1er du livre III du code de l’action sociale et des familles, 

1° Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que les lieux de vie et d’accueil mentionnés au III du même article peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de covid-19, adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. Ils peuvent aussi déroger aux qualifications de professionnels requis applicables, et lorsque la structure y est soumise, aux taux d’encadrement prévus par la réglementation, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de covid-19

2° Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés au I de l’article L. 312-1 du même code peuvent accueillir ou accompagner des personnes même ne relevant pas de la zone d’intervention autorisée prévue à l’article L. 313-1-2 de ce code, pour une prise en charge temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ;
3° Les établissements mentionnés au 7° du I du même article L. 312-1 du même code peuvent accueillir des adolescents de 16 ans et plus, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ; 

4° Les établissements mentionnés au 2° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code peuvent accueillir des personnes prises en charge par les établissements mentionnés au 1° du I du même article L. 312-1 lorsque ceux-ci ne sont plus en mesure de les accueillir dans des conditions de sécurité suffisante dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ; 

5° Les établissements mentionnés au 2°, 5° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code qui ne sont plus en mesure d’accueillir dans des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de covid-19 les personnes handicapées peuvent adapter leurs prestations afin de les accompagner à domicile, en recourant à leurs personnels ou à des professionnels libéraux ou à des services mentionnés aux 2°, 3°, 6° et 7° du I du même article L. 312-1 du même code qu’ils rémunèrent à cet effet. [...] »

7/ Tous les assistants maternels pourront, en plus de leurs enfants, s’occuper simultanément de six enfants à leur domicile :

 Article 1er de l’ordonnance portant dispositions temporaires relatives aux assistants maternels et aux disponibilités d’accueil des jeunes enfants
« Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles, et sous réserve du respect de conditions de sécurité suffisantes, l’assistant maternel est autorisé à accueillir en cette qualité jusqu’à six enfants simultanément. Ce nombre est toutefois diminué du nombre d’enfants de moins de trois ans de l’assistant maternel présents à son domicile. Le nombre de mineurs de tous âges placés sous la responsabilité exclusive de l'assistant maternel présents simultanément à son domicile ne peut excéder huit. »