Après 18 mois de concertation, le rapport Delevoye a été publié le 17 juillet 2019. Présenté comme "plus juste et plus lisible", le futur "système universel" de retraites annoncé par Maron est censé remplacer tous les régimes existants. C'est, en réalité, la mort annoncée des retraites par répartition de la fraction du salaire mutualisé des travailleurs du privé (pièce essentielle du système de sécurité soc aile) et la mort du Code des pensions (pièce essentielle du statut des fonctionnaires).
Ainsi, après la mise en cause des garanties statutaires incluses dans la loi Blanquer du 29 juillet 2019 dite "Pour une école de la confiance" et celle du 6 août 2019 dite de "transformation de la fonction publique", le projet de loi sur les retraites (qui doit s'inspirer du rapport Delevoye) va renforcer ces attaques réduisant à quasi néant les garanties du statut arraché dans l'après guerre (et porter un coup essentiel au système de sécurité sociale).
L'analyse publiée dans le n°2 d'octobre 2019 de la revue L'émancipation syndicale et pédagogique rappelle les principes sur lesquels reposent les retraites actuelles ainsi que les objectifs de Macron.
à lire ci-dessous :
EN DÉFENSE DU CODE DES PENSIONS, DU SYSTÈME DE RETRAITES PAR RÉPARTITION DU SALAIRE MUTUALISÉ DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DU PRIVÉ
Avec le projet d’un nouveau système de
retraites, Macron a clairement affirmé ses objectifs. Sous prétexte
qu’il y aurait des inégalités entre les régimes de retraites, il veut
détruire le code des pensions des fonctionnaires et le système des
retraites des salariés du privé et leur substituer un système
“universel” (par points ou par comptes notionnels), présenté comme plus
juste, plus “équitable”. Qu’en est-il ?
Des acquis historiques à défendre
Combattre contre cette nouvelle attaque implique en premier lieu de
rappeler en quoi les actuels systèmes de retraites sont des acquis
historiques des travailleurs et travailleuses. Sans entrer dans le
détail des différents régimes, on doit rappeler que
- Le régime général des salariés du privé est une branche de la sécurité sociale
C’est un “système par répartition d’une fraction du salaire mutualisé”. Les
cotisations retraites sont aussitôt reversées aux retraités. Ces
cotisations sont en réalité une partie du salaire versé aux travailleurs
et travailleuses dans leur ensemble, ce qui justifie le fait qu’elles
devraient être gérées par les seuls représentants des salariés (ainsi
que le prévoyait le projet CGT de 1943). Ce qui crée la solidarité entre
les salariés (actifs et retraités), c’est la répartition de cette
“fraction du salaire mutualisé”. Quatrième branche de la sécurité
sociale, la destruction de ce système donnerait le coup de grâce aux
fondements même de cet acquis historique, la sécurité sociale arrachée
en 1945.
(à noter que dans un régime par capitalisation, le travailleur ou la
travailleuse verse à un organisme financier une partie de son salaire.
Cette somme est placée – en actions, obligations…– et il ou elle
touchera sa pension si... les placements rapportent. Que le placement
soit individuel, ou qu’il soit à l’échelle de l’entreprise, le
travailleur ou la travailleuse est à la merci de la volatilité des
marchés financiers.).
- Le code des pensions des fonctionnaires d’État n’est pas un retraite par répartition (ni un régime par capitalisation)
Le code des pensions estun pilier essentiel du statut, avec l’emploi à
vie, etc. L’État s’engage à verser au fonctionnaire en retraite une
pension jusqu’à son décès. La somme allouée aux pensions des
fonctionnaires est “budgétisée”. Le versement de la pension n’est donc
pas subordonné à l’équilibre d’une caisse de retraite.
Si le mode de calcul du montant de la pension diffère, c’est
notamment que la carrière d’un salarié du privé n’est pas la même que
celle d’un fonctionnaire. Pour les fonctionnaires, le salaire le plus
haut se situe en fin de carrière (référence aux six derniers mois), ce
qui n’est pas le cas dans le privé (référence, à l’origine, aux dix
meilleures années). Au final, ces deux systèmes se traduisent par des
retraites analogues.
L’essentiel des difficultés actuelles proviennent des mesures prises
lors des contre-réformes (Balladur en 1993, Chirac en 2003, Sarkozy en
2010, Hollande en 2013) qui ont conduit à la baisse du montant des
retraites, à l’allongement du nombre d’annuités, au recul de l’âge de la
retraite...
Macron veut en finir avec ces systèmes : pour le MEDEF, qui en 2003
annonçait vouloir “faire sauter le verrou de la Fonction publique”, la
garantie accordée aux fonctionnaires est insupportable. Quant à la
fraction du salaire mutualisé des salariés du privé, elle devrait aller
dans les poches du patronat. L’objectif final de la bourgeoisie est la
généralisation de la capitalisation à la totalité des retraites.
Le projet de Macron…
Le gouvernement est chargé de mettre en œuvre le programme de Macron
qui, en matière de retraites, prône un système par points ou par comptes
notionnels.
Le gouvernement s’oriente aujourd’hui vers un système par points. Il y
a un an, F. Fillon (qui s’y connait en matière de réforme des
retraites) rappelait que “Le système par points permet de faire baisser chaque année la valeur des points et de diminuer ainsi le niveau des pensions”.
C’est une importante baisse des pensions et du “coût du travail” qui
est ainsi programmée : dans le privé, le patronat s’approprierait le
salaire mutualisé ; le salaire continué des agents de l’État
disparaitrait. Le salarié serait ainsi incité à retarder le moment du
départ en retraite et à constituer une épargne retraite individuelle
(système par capitalisation).
D’ores et déjà, au détour du projet de loi “Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE)”, les véritables motifs de la réforme se font jour. Sous couvert de “mieux financer l’économie française en développant le financement en fonds propres des entreprises”,
l’article 23 de ce projet de loi entend accroître l’attractivité de
l’épargne retraite et ouvrir de nouveaux débouchés aux fonds de pension.
Cela annonce la privatisation rampante du système des retraites.
… et sa méthode
Les travailleurs et les fonctionnaires sont attachés à la défense de
leurs régimes de retraites. Macron le sait, comme il se souvient des
importantes mobilisations face aux contre réformes antérieures. Pour
parvenir à ses fins, il n’a qu’un moyen : utiliser la méthode qui lui a
réussi précédemment, et qui lui a permis notamment de faire voter la
destruction du statut des cheminots : faire en sorte que les directions
syndicales n’exigent pas le RETRAIT pur et simple de son projet et
continuent à participer aux multiples “concertations”/négociations
organisées sur la base des plans gouvernementaux.
Or, depuis avril, les directions syndicales participent, sous la
houlette de Jean-Paul Delevoye et aux côtés des organisations
patronales, aux concertations sur la base d’un document intitulé : “Construire un nouveau système de retraites”
(sic). Le 5 septembre, lors du séminaire gouvernemental, le Premier
ministre annonçait une “réunion de synthèse et de conclusions” qui
allait “finaliser la première phase lancée en début d’année”. Lors de
cette réunion prévue pour le 10 octobre J.P. Delevoye doit annoncer un
second calendrier de concertations “pour aborder les questions restant à régler. Objectif : présentation d’un projet de loi au cours de l’année 2019”.
Les directions syndicales ont déjà accepté de discuter “de la
définition du nouveau régime, de la construction d’un système tenant
compte des évolutions de la société avec l’examen des droits familiaux”
(pensions de réversion et autres). Dans les prochaines semaines, ce
sont les conditions d’ouverture des droits à la retraite, la durée des
carrières, l’organisation du système universel et les modalités de
transition entre l’ancien et le nouveau système qui seront sur la table
des “concertations”. Le projet de loi serait déposé début 2019 et voté à
l’été 2019.
Il ne s’agit donc pas d’une nième “réforme” mais de la disparition du
régime général, des régimes spéciaux et du code des pensions. Voilà à
quoi se soumettent les directions syndicales en acceptant de participer à
ces “concertations” !
La FSU dit “Défendre le code des pensions” tout en faisant des propositions “pour un scénario durable et solidaire”. Solidaires dénonce aussi ce projet et fait des propositions pour “que le système soit juste”. La CGT “refuse la généralisation de la retraite par points” ;
dans la Fonction publique, elle demande l’assujettissement des
fonctionnaires territoriaux et hospitaliers au code des pensions sans
demander qu’on leur applique pour autant le statut de la Fonction
publique d’État. Dans le même temps, elle propose “d’intégrer tous
les régimes (privé, public, régimes spéciaux) dans une maison commune
des régimes de retraites, ayant pour objectif d’assurer la mise en œuvre
d’un socle commun de droits à la retraite”. FO constate “qu’il semble acquis que la retraite sera calculée en points”. FO acte du fait que pour le Haut-commissaire à la Réforme des Retraites (HCRR), “un système universel par points ne veut pas dire régime unique”, et FO pose des questions et présente ses revendications dans le cadre des “concertations”. Quant à la CFDT,
elle a lancé une grande enquête sur les retraites sous couvert de faire
entendre la voix des salariés. Cela n’a pas permis, bien entendu,
d’influencer les choix du gouvernement.
Toutes les directions syndicales se soumettent ainsi aux
concertations sur le plan de Macron. Aucune n’exige le retrait de son
projet.
Combattre l’offensive de Macron
Les plans de Macron et son gouvernement sont déjà fixés. Avec sa
“réforme” systémique, l’individualisation des droits, il ne s’agit pas
de “réformer” les systèmes actuels, mais de les détruire. Cela s’inscrit
dans le processus d’individualisation des droits ; et cela participe de
l’attaque en règle contre le statut des fonctionnaires, contre le code
des pensions qui en est une pièce essentielle.
Ce sont tous les droits acquis, dont ceux arrachés avec la Sécu de 1945-46, qui doivent disparaître.
Face à l’ampleur de l’attaque, il s’agit en premier lieu, d’empêcher
la disparition du code des pensions, un des piliers du statut, et du
système de retraites des travailleurs et travailleuses du privé, un des
piliers de la sécurité sociale. Ce qui implique d’exiger le retrait pur et simple du projet de Macron.
Défendre les acquis en matière de retraites, c’est
revendiquer notamment le retour aux 37,5 annuités pour tous et toutes,
le retour de l’âge légal de départ à 60 ans, l’abrogation de la CSG, la
ré-indexation des pensions sur les salaires… Et l’abrogation des
contre-réformes successives qui ont dégradé les systèmes de retraites,
notamment la suppression de toutes les exonérations de cotisations
patronales, et le rétablissement des droits perdus
Cela constitue les conditions essentielles pour une amélioration des retraites.
Défendre les acquis en matière de retraites implique de
combattre pour que les directions syndicales quittent les concertations,
et sur ces bases, réalisent l’unité afin d’engager sans attendre la
mobilisation dans le but d’infliger une défaite à Macron et son
gouvernement.
Hélène Bertrand, GD 69, Lyon,
22 septembre 2018
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Dans un système par annuités
comme le régime de base français, la pension d’un assuré est fonction
de son salaire moyen sur un certain nombre d’années ou de mois et du
temps pendant lequel il a cotisé, le montant des cotisations n’influant
pas sur le niveau de la pension. 22 septembre 2018
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Avec un régime en points, l’assuré accumule des points acquis en fonction de la valeur du point lors de son achat. Ces points servent de base au calcul de la retraite et à la définition de l’âge de départ. Ce système attribue des droits, mais il ne fixe pas de niveau de pension. Celui-ci serait déterminé en multipliant les points cumulés par la valeur du point à la liquidation des droits, valeur fixée chaque année par le gouvernement et qui varierait selon la situation économique, l’espérance de vie moyenne d’une profession.
Dans un régime en comptes notionnels, comme celui qu’a adopté la Suède, l’assuré acquiert un capital virtuel constitué de ses cotisations qui sera divisé par un coefficient de conversion. Ce coefficient dépend notamment de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance de vie, à cet âge, de la génération à laquelle appartient l’assuré. Il est fixé de façon à ce que la somme des pensions perçues par chaque génération soit égale à la somme des cotisations versées par les salariés de cette même génération.
Conséquences : plus le départ est précoce, moins le capital virtuel est important, plus le montant de la retraite sera faible ; plus l’espérance de vie est longue, plus le montant de la retraite sera réduit…
Si en théorie ces deux systèmes sont “par répartition”, la dimension de solidarité que recèle le “salaire mutualisé” du privé disparait. Et pour les fonctionnaires d’État, avec la liquidation du code des pensions, disparait le “salaire continué”, inséparable de l’emploi à vie.
(à noter que le conseil d’orientation
des retraites (COR) a déjà étudié la “faisabilité” du passage du système
actuel à un régime par point ou à la suédoise. On doit rappeler que les
dirigeants syndicaux – deux pour la CGT et FO, un pour la FSU…–
participent, depuis plusieurs années, au COR alors que le COR travaille à
la mise en cause du système des retraites et des pensions).
L'article sur le site national d’Émancipation :
En défense des retraites du code des pensions, du système de retraites par répartition du salaire mutualisé des travailleurs et travailleuses du privé
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L'article sur le site national d’Émancipation :
En défense des retraites du code des pensions, du système de retraites par répartition du salaire mutualisé des travailleurs et travailleuses du privé